Profiter, profiter et encore profiter !

Lundi, voilà un bon jour !

Un jour férié, qui me laisse le temps, entre 2 préparations des cours de cette semaine, de profiter des gens que j'aime...

Depuis mon arrivée, le travail à Handicap et mon  mémoire m'ont pris trop de temps et je prend conscience que je ne profite pas assez de mon entourage très présent pourtant et de Ziguinchor...

Lundi m'a donné l'occasion de rendre visite à Aliou dans son atelier. Aliou travaille dans le quartier où je vivais jadis. Il a dans la maison d'un ami, son atelier de fabrication de Kora, ces intruments à cordes dont la musique nous rappelle de suite l'Afrique noire.

L'art de faire des Kora lui vient de son père adoptif. Aliou n'est pas originaire de Ziguinchor. En Afrique, lorsque l'enfant né, on lui donne un premier prénom au choix des parents, puis un second qui est souvent le prénom du meilleur ami du père ou de la mère. C'est pour cette raison que certains musulmans ici portent des prénoms chrétiens en second prénom. C'est ce qu'on appelle l'homonyme.

L'homonyme d'Aliou avait décidé de l'élever, avec l'accord de ces parents. Aliou a donc attéri dans le quartier de Lyndian et a appris la lutherie des mains de cet homme.

Mais lors de son décès, la jalousie du véritable fils de son homonyme, qui n'avait pas voulu apprendre l'art de la lutherie, a fait comprendre à Aliou qu'il n'avait plus sa place dans la maison.

Aliou a donc installé son atelier dans la maison en face.

Je retrouve Aliou en plein travail, il doit terminer cette kora pour mon départ, je vais la ramener en France pour un de ces clients qui vit en Bretagne.

Il est aussi en train de terminer des djumbés pour un client belge. Il a sous son couvert 2 jeunes que les parents ont mis là pour apprendre le métier.

C'est une maison pleine d'enfants où j'ai mis les pieds..., enfants des cousins, de la fratrie... de tout âges... l'un d'eux, qui doit avoir 14 ans a des cahiers sur les genoux...

Je sors l'appareil photo délicatement, en discutant avec ce jeune, qui m'emmènera son devoir pour correction quelques temps après, il a un graphique à faire avec des données météorologiques...

Les enfants ont vite repérés l'appareil photo... au début, ils restent distant mais très vite les attitudes ont l'air plus détendus. Après quelques photos, je décide de laisser l'appareil entre les mains d'un des plus grand, et l'oeil a fait le reste....

Juste le temps de profiter, je dois retourner au boulot... je laisse Aliou et les enfants pour retrouver le bureau puis ma maison sans eau...

Sans eau mais avec un nouvel habitant que je voyais se balader depuis 2 jours....

Le Gesco est de retour.... mi-lézard, mi-salamandre, ça se colle partout !

Pas méchant le gesco, mais impossible pour moi de dormir avec lui... il a trouvé refuge dans ma chambre... et c'est maladif, j'ai horreur de ces bêtes... Moise le gardien a essayé de l'avoir au arpon (les gardiens ont des arpons, ils chassent les chats... j'ai pas essayé de comprendre !). On a fini par mettre un coup de bombe insecticide sur le nez du gesco, et j'ai laissé un mot à Delphine, la dame de maison au cas où elle le voit... pas de gesco depuis, il a dû prendre un coup de balai, déjà asphixié (moi aussi) par le yotox !

Mardi.... formation des futurs infirmiers d'Handicap... 7 filles et 2 garçons suivent la formation...Yves, un des infirmiers en poste sur la mission est mon aide-formateur. A la fin de la formation, seul 4 ou 5 infirmiers seront choisi.

J'ai là diverses ethnies mais aussi diverses religions dont une Ibadou, conférie religieuse dont les femmes sont voilées et ne touchent pas les hommes (idem mais dans l'autre sens pour les hommes, sans le voile)... J'aborderai le sujet avec elle à la pause, mais cette femme  est sans souci par rapport à ça puisqu'"en ce qui concerne la vie, il n'y a pas d'interdit".... allah a bien vu les choses !

Je laisse les stagiaires entre les maisn d'Yves pour aller faires quelques courses accompagnés de Cher, le chauffeur.... le temps de m'arrêter à la banque et pour Cher de me laisser seule quelques minutes, je suis accostée... c'est pas tout les jours facile d'être toubab... promis Cher ne me laissera plus seule.

Un petit tour au marché Boucotte, rebelotte sur les accostages... J'ai compris, il m'est difficile d'être seule, c'est sûr !

Heureusement, le marchand de tissu fait ces 1m95 et tranquille 95kg, les "business man" n'ont pas osé nous suivre dans la boutique... ouf !

Cher n'en croit pas ces yeux, moi non plus, je ne me sens pas en sécurité. Et pourtant, c'était le seul endroit où je me sentais en paix, la Casamance.

J'ai retrouvé ce soir le sourire de Diafougness... la maman a qui j'acheté le plat le midi... Diafougness, c'est une dame âgée, pleine d'entrain mais l'arthrose de son genoux ne lui permet plus de se déplacer jusqu'au restaurant en face du bureau.

J'ai ramené un petit collier de France et quelques photos de son petit fils prises en 2008, je souhaitais aller la saluer... c'est la femme qui tiens le restaurant à sa place qui me guide chez elle...

Surprise pour Diafougness, des embrassades, elle me considère comme sa fille.... en Afrique, la famille est vite élargie !

Son fils doit rentrer au bois sacré des diolas au mois de juillet, j'y suis invitée... c'est la fête de la circonscion spirituelle de cette ethnie.

C'est une fête que je connais, j'ai eu la chance de la vivre en 2007 dans un autre village, "Baila"... ça m'a couté aussi une bonne parathyphoide et une hospitalisation à Dakar une semaine plus tard ! Nos tubes digestifs ne sont pas habitués à l'eau terreuse et au plat commun ! 

Pas Possible de venir au bois sacré cette année, à son grand désespoir quand elle apprend qu'il ne me reste plus qu'une semaine ici...

Un fils qui rentre au bois sacré, c'est un moment important pour une famille, un honneur pour une mère avec toute la tristesse que cela comporte de dire adieu à un fils qu'elle ne reverra peut être plus si la semaine dans le bois se passe mal.

Je suis reparti de chez Diafougness avec le collier de perle que les soeurs du circonscis mettent autour du torse pour la fête, elle tennait à me l'offrir... Et une invitation pour aller manger chez elle avec sa famille dimanche midi.

Retour à la maison, il est mardi soir, journée difficile et je n'ai plus d'électricité... mais j'ai l'eau, faut choisir !

Mercredi.... reformation.... de toute façon, ça va être ça toute la semaine !

J'ai décidé de profiter un peu des pots, je les croise le soir mais Matar m'a dit gentillement "tu travaille trop, tu va partir, on ne t'aura pas vu"..... promis, je vais "descendre" (débaucher) tôt, ce soir, je fais le thé !

Le thé, ça fait 2 ans que j'avais pas fait avec le matériel du pays...

Le thé, c'est "3h de temps "comme ils disent....

Parce qu'il faut en faire 3 et prendre le temps que le sucre se caramélise avec le thé.... prendre le temps aussi de verser d'un verre à l'autre le thé pour créer une mousse onctueuse, épaisse, sur au moins la moitié du verre...

Et les toubabs qui font le thé, ils sont pas beaucoup....

Du coup, ça a emmené du monde devant chez Matar, dans la rue, parce que c'est dans la rue qu'on vit ici et c'est aussi dans la rue que l'on fait le thé !

Avec un petit fond de "m'balax", musique rythmée qui se jouait au baptême chez les voisins...dans la rue toujours....

Et c'est avec plaisir que j'ai offert mon dernier thé de la soirée au papa de Tapha et Matar, 82 ans, en pleine forme, qui fume sa clope tout les soirs... cet homme qui parle très bien français et qui a vécu sa jeunesse pendant la colonisation....

Promis, demain, c'est de lui dont je vais profiter, il a des choses à m'apprendre, il sait que son histoire, c'est aussi mon histoire !